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Souvenir

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Ce n’est plus qu’un souvenir.

Le lieu de vie du défunt revêt ici une importance toute particulière. Plusieurs photographes, mais aussi des non photographes, suite au décès d’un de leurs proches ont éprouvé le besoin d’aller réaliser des clichés de l’appartement ou de la maison avant que ne commence le premier tri des affaires à garder, à se partager, à donner ou à jeter, voire la vente du lieu. Comme s’il était important de faire des photos alors que la maison vide mais non vidée pouvait encore laisser croire au retour de la personne qui l’habitait.

Le photographe Philippe Dureuil réalise ainsi une série appelée souvenir : « Fernande s’en est allée, elle a rejoint Lucien. Il reste un souvenir, des souvenirs… Alain est fils unique, il doit maintenant gérer tout cela. Il vide le pavillon qui l’a vu naître, il faut le mettre en vente. Cette série aborde les thèmes de la vieillesse, du deuil, de l’absence et du vide ». Au départ, Philippe Dureuil part aider et soutenir un vieux copain de trente ans qui doit vider la maison de ses parents décédés. Ce jour de déménagement était le dernier, celui ouvert aux proches qui souhaitaient prendre les choses que la famille ne voulait pas. Il connaît la maison pour l’avoir fréquentée du vivant des parents et décide d’emporter son appareil photo : « J’ai pensé que je pourrai prendre quelques images. Une fois sur place, je me suis dit que j’allais faire une petite série, parce qu’il n’y a pas beaucoup de sujets là-dessus et que c’est dommage. J’ai voulu le traiter de façon légère et lui faire un petit cadeau. Ce n’est pas un boulot de fond mais ça a le mérite d’exister ».

Pour lui, ces photos parlent, elles parlent du niveau social, d’une époque et des matériaux. « Ces images sont des clins d’œil, si j’ai photographié la porte du garage c’est parce que tous ces gens-là rentrent par le garage, ils ne se servent pas de l’entrée principale. On rentre par le garage parce qu’on retire ses bottes et qu’on ne marche pas avec ses chaussures dans la maison ». Car, précise Alain, ses paents travaillaient en usine et chaque meuble, même s’il était en formica avait été acquis à la sueur de leur front : « Même si c’était la période des Trente Glorieuses et du travail, chaque objet avait sa valeur et était gardé toute sa vie. Il s’agit d’un pavillon des années 1960 comme il en existe tant, tout en formica, le sucrier en plastique, on n’est pas dans la maison de grand-mère en Auvergne où il y avait la belle cheminée et le soufflet, qui regorge de beaux objets ».

Il n’y a ni moquerie ni drame dans ces images, elle reflètent juste un intérieur particulier mais propre à toute une génération d’un même niveau social : « Cette maison, c’est tout une vie. Alain y a grandi, plus tard il est venu y voir ses parents et c’est une génération où on ne touchait pas aux choses, on ne changeait pas les meubles, on n’allait pas chez Ikea, on ne refait pas les peintures ou le papier peint toutes les cinq minutes. Le mobilier de la cuisine en formica, la toile cirée, les décorations au mur, les photos des parents et des gamins sur le buffet, les objets « kitch » comme le sabot avec les fleurs, les vieilles armoires de toilettes en plastoc… On a tous croisé ça et ça parle ».

Texte écrit par Irène Jonas, sociologue & photographe.

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